samedi 18 décembre 2010

Shocking?


La salle d'attente d'un médecin généraliste. Ici, c'est sans rendez-vous: le médecin reçoit ses patients au gré des arrivées dans sa salle d'attente.

Le doc vient de faire passer la personne qui était juste avant moi, je me retrouve seule dans la salle d'attente avec Arthur, qui commence à gazouiller gentiment.

Une femme d'une cinquantaine d'années fait son entrée. Bonjour. Gouzi gouzi oh qu'il est mignon votre bébé. Mine attendrie un peu forcée mais pourquoi est-ce que tout le monde se croit obligé de faire ça? Elle attrape une revue et s'assied.

Quelques minutes plus tard, je reconnais chez Arthur les prémices d'une crise majeure: il a FAIM! Ça, c'était pas prévu au programme mais que voulez-vous... piti Arthur est en plein pic de croissance depuis quelques jours et du coup il a faim tout le temps. Me voilà un peu embêtée: je déteste donner le sein en public, en général je trouve le moyen de me planquer. Arthur commence à donner de la voix, il faut que je me décide, parce que d'expérience je sais qu'il peut vite monter en décibels quand il a les crocs.

Je n'hésite pas longtemps: après tout, les potentiels spectateurs de mon néné déballé se résument à cette dame. C'est une femme, elle comprendra bien que je n'ai pas trop le choix.

Je me tourne comme je peux pour me faire la plus discrète possible afin de donner le sein à Arthur. La réaction ne se fait pas attendre: "Houlà", suivi d'un gros soupir exaspéré.

Il n'y a pas de miroir dans la salle d'attente, mais je devine au feu de mes oreilles que je suis rouge écarlate. La réaction de la femme a clairement signifié qu'elle était choquée par ce qu'elle voyait. Je ne sais plus où me mettre.

Arthur, lui, est à des années lumières de mes préoccupations et s'en donne à coeur joie sur mon sein. Petits grognements enthousiastes, bruits de succion joyeux, giclements de lait de-ci de-là, et multiples gloups de déglutition. Heureux comme tout.

Qu'est-ce qu'elle est silencieuse cette salle d'attente... et qu'est-ce qu'elle résonne!

En fait, on n'entend qu'une chose: Arthur qui prend le sein.

Je jette furtivement un regard à Madame "Houlà", et je suis médusée par ce que je vois: son regard est rivé sur Arthur qui tète et sa mine exprime clairement une seule chose, le dégoût total. Voir mon enfant se nourrir à mon sein lui soulève le coeur. Et ça... vraiment je ne le comprends pas.

Je peux à la limite comprendre qu'une jeune maman ne souhaite pas allaiter son enfant. Après tout, allaiter c'est un peu prolonger la grossesse: on continue à partager son corps avec son enfant, et je peux comprendre que certaines n'en aient pas envie. Mais de là à ce qu'une chose aussi naturelle puisse susciter du dégoût? Alors là, ça me dépasse totalement.

Madame "Houlà" aurait probablement préféré que je donne le biberon? Eh bien n'en déplaise à madame "Houlà": je veux allaiter, j'aime allaiter, ça rend mon fils heureux et ça dope son système immunitaire, et puis merde le lait de vache c'est fait pour les veaux!

Arthur a fini de téter. Comme à chaque fois, il a sa tronche de bébé repu, limite shooté. Je me lève pour lui faire faire le rot, et je prends bien soin de tourner le dos à Madame "Houlà", de manière à ce qu'elle ait une vue imprenable sur Arthur qui rote et crachote éventuellement un peu le trop-plein de lait. J'espère qu'elle aura bien profité du spectacle...


1 commentaire:

Marie-Ange a dit…

Vous devriez remercier cette dame qui par son comportement vous a inspiré ce récit.
Super bien écrit, avec beaucoup d'humour. Trop de choses en effet vous séparent de la vilaine madame sans doute aigrie par la vie....